Quand ma main...
La première fois j'ai dû forcer le passage.
Prendre ma tête de sale môme, saisir ton bras, l'écarter de ton corps, venir me caler contre toi, la tête au creux de ton épaule. Tu as eu ce rire gêné / amusé, et puis tu as trouvé la place de ta main, parfois sur ma tête, parfois sur mon épaule, parfois au creux de ma taille.
Depuis, c'est toi qui ouvres. Souvent on commence le film, je pose ma main sur ton épaule, et ma joue par dessus, puis j'enlève la main.
Les deux fois d'avant la dernière fois, tu avais saisi l'occasion d'un fou rire pour te tourner vers moi et m'accueillir dans tes bras. Une fois que j'y suis, tu varie, tu restes sur le côté un moment, puis tu rebascules sur le dos avec toujours moi au creux de ton bras et ta main droite qui fait son chemin.
La dernière fois, il n'y avait pas de fou rire. Juste un moment où j'en avais marre d'attendre alors j'ai rompu le contact pour me mettre sur le dos, à côté de toi, sans te toucher. Et tu t'es tourné vers moi, tu as étendu le bras en signe que tu y faisais ma place. Dans une sorte de "viens" muet.
Et ma main droite à moi, qu'est-ce qu'elle fait ? Quand tu me fais face, elle vient t'enlacer, par dessous ton bras gauche à toi. Elle reste sage un moment, et puis elle joue avec les côtes de ton pull.
Quand tu te remets sur le dos, elle vient se caler juste un peu en dessous de tes côtes. Sur ton flanc. Et ne bouge pas.
Et là ça ne râte pas. En quelques minutes maximum, ta main gauche s'empare de ma main droite, l'enferme ou se glisse dessous, doigts mêles, selon. Ta main gauche emmène ma main droite un peu plus haut. Près de ton coeur, près de ta clavicule (c'est quoi le truc ? Tu es chatouilleux ? Tu as peur que je m'égare ? Ou cet endroit précis déclenche l'envie de me tenir la main).
Parfois je sens ton pouls dans tes doigts, qui s'additionne au rythme de ton coeur qui bat sous mon bras, ma main. Je le sentais résonner jusque dans mon épaule, samedi.
On va dire que c'est parce que tu as le torse large et que ça fait caisse de résonnance, n'est-ce pas ?
Et samedi, mon pouce jouait sur tes doigts, à remonter et redescendre le long de tes phalanges. Du bout du doigt ou de la pulpe.
Et on est restés longtemps, après le film, dans un silence à peine rompu par quelques mots, quelques rires. A se câliner, comme ça. Très tendrement. Jusqu'à ce que tu dises qu'il était temps de partir. Et qu'après m'avoir laissé jouer avec tes doigts tout ce temps, tu les rapproches de moi, de ma bouche. Alors j'y ai posé un baiser, et même deux. Et tu as fait de même avec mes doigts.
Tu as poussé un grand soupir au moment de te lever. Un soupir où j'avais envie d'entendre que tu n'avais pas envie. Mais bon. Tu étais fatigué, aussi. Alors je t'ai juste dit que tu étais le chef de toi. Peut-être la prochaine fois, je te demanderai si tu as envie. Et si tu me dis non, je te dirais : reste. T'inquiète. Je peux dormir sagement.
A supposer qu'on soit vraiment si sages que ça. A la fois chastes, mais quand même. Ce n'est pas comme si on avait pas de corps, non plus.
Quand tu as fini d'enfiler manteau, écharpe et tout le toutim, tu t'en penché vers moi. Tes mains allaient et venaient sur mes bras. Et il y avait, il me semble, un infime tremblement. Ta bouche est descendue jusqu'à l'angle de mon cou et de mon épaule, j'ai senti ta barbe de trois jours sur un coin de ma peau. Et puis sur mon front. Et puis comme je me hissais vers ta hauteur, de l'autre côté, dans mon cou.
Si je n'avais pas lu et relu tous tes mots, j'aurais senti dans ces moments un frémissement de désir. Que tu ne saisis pas complètement, bien sûr. Parce que pas envie de m'emmener sur un chemin que tu ne veux pas explorer avec moi ? Parce que tu as peur ? Parce qu'une sorte de relation comme ça te donne l'impression qu'on ne pourra jamais avoir mal (c'est faux) ?
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